samedi 29 juin 2013

Ce que vous n'avez pas compris, Monsieur Snowden...

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Monsieur Snowden, qu’avez-vous donc voulu prouver par vos actes ?
Monsieur Snowden, que pensiez-vous que vos « révélations » allaient provoquer chez ceux qui bénéficient de l’avantage merveilleux d’être désormais espionnés de manière institutionnalisée et globalisée ?
Monsieur Snowden, croyiez-vous vraiment qu’en « dévoilant » les activités d’espionnage de la NSA vous alliez pouvoir changer quoi que ce soit et que les populations de la planète forceraient leurs gouvernements bien-aimés à cesser leurs activités illégales ?

Monsieur Snowden, il semblerait qu’après une semaine passée à l’aéroport de Sheremietevo à Moscou, en transit, c’est à dire en dehors de Russie légalement parlant, la situation ne soit bloquée et que personne ne soit plus disposé à vous accueillir. Où, à tout le moins, si peu que le choix se compte sur les doigts d’une main, et encore.

A cette aune, n’êtes-vous pas étonné que dans un monde dit « libre » pratiquement personne ne se soit pressé de vous accorder un asile politique tout à fait mérité ; que les populations mondialisées ne se soient pas levées comme un seul troupeau pour vous soutenir contre la Nomenklatura dont les hommes de main nous espionnent jour et nuit ?

N’êtes-vous pas surpris que ces hordes de passionarias occidentaux éprises de démokracie, de droitdelhomme, de la femme et des poissons rouges et bla bla bla, que tous ces groupies qui se « mobilisent » pour les femen, le « mariage pour tous » où encore les « panneaux solaires à vapeur », qu’aucun donc ne se soit bougé pour vous soutenir ? Nous ne parlerons pas, bien entendu, de tous ces « zintellectuels » dont nous sommes si friands, nous autres Français, qui se lancent dans des campagnes médiatiques aussi bien menées qu’elles sont mensongères pour « libérer »  par les bombardements humanitaires appropriés, tel où tel pays du dictateur de service, véritable où non d’ailleurs ; nous n’en n’avons pas entendu un seul se porter à votre défense, eux qui pourtant ne ratent pas une occasion , les pires généralement, pour se pavaner dans les médias de désinformation de Cochon sur Terre.

Monsieur Snowden, nous voudrions aujourd’hui vous révéler la triste réalité : Personne ne vous aidera car tout le monde se moque comme d’une guigne de ce que vous avez révélé.
Personne ne se lèvera pour vous, Monsieur Snowden, car personne ne veut être dérangé par vos activités, comme par celles de vos collègues à venir, s’il y en a, ce qui est très loin d’être assuré ;
Il n’y aura pas d’émeutes pour vous soutenir, Monsieur Snowden, car personne ne veut perdre sa béatitude de poisson rouge qui consiste à recevoir sa béquée tous les jours et à tourner librement dans le bocal que nos gouvernements bien-aimés ont crées pour notre bien-être à tous, en regardant la télévision à travers le verre déformant du dit bocal.

Monsieur Snowden, vous n’êtes pas un héros, contrairement à ce que certains excités ont prétendu sur des blogs que personne ne lit. Vous êtes un « empêcheur de tourner en rond », voilà ce que voue êtes aux yeux de ceux que vous avez voulu avertir. Et c’est précisément pour cette raison que personne ne vous viendra en aide et que les foules « libres » et démokratiques du monde dit occidental ne lèveront pas le petit doigt pour vous défendre. Car vous les menacez, ces foules « libres » et amantes de la « démokratie » ; avec vos prétendues « révélations », vous leur mettez leur petitesse et leur couardise sous le nez.

Elles ne vous le pardonneront pas.

C’est d’ailleurs ce que prouve le dernier sondage de CNN/ORC International Survey (ici) qui indique que 52 % des sondés (américains) souhaitent vous voir extradé et trainé en justice pour « trahison », sans se rendre compte que c’est eux-mêmes qu’ils trahissent ainsi. Mais nous ne pouvons pas leur en demander trop non plus.

En bref, Monsieur Snowden, ce que vous avez fait ne servira à rien car cela ne changera absolument rien à la situation. Au contraire, le système se renforcera encore un peu plus grâce à l’inertie générale des populations lobotomisées et anesthésiées par la propagande et le confort petit bourgeois dans lequel on les fait survivre jour après jour, tout en leur promettant l’immortalité (grâce aux « progrès » de la bio-technologie) afin de bénéficier à jamais de cette survie exaltante qui est désormais notre lot quotidien.

Monsieur Snowden, vous êtes tout seul.

Enfin presque, mais cela ne fera pas de différence pour sauver votre peau.
Vous vous êtes trompé d’époque. Vous vous êtes laissé prendre à la propagande du système qui nous ressasse à plein temps combien nous aspirons tous à la liberté, à la démokratie et bla bla bla... alors que nous survivons tous dans un univers de plus en plus totalitaire et collectiviste où la liberté, la vraie, est en passe de disparaitre complètement.

Vous y avez cru.
Vous avez eu tord.

Mais, c’était bien naturel puisque vous êtes vous-mêmes un produit du système contre lequel vous vous êtes levé si courageusement. Vous vous êtes laissé abuser par l’emploi de ces mots et de ces expressions toutes faites qui ne revêtent plus leurs significations anciennes mais leur exact opposé : liberté = coercition, individualité = collectivisme, demékratie = tyrannie etc...
Vous avez cru vous révolter contre le système sans vous rendre compte de la mystification dans laquelle nous survivons tous. Car la vérité, c’est que nous avons tellement perdu le sens de la réalité que nous nous imaginons que c’est ce dans quoi nous survivons. D’où le problème fondamental du vocabulaire et de son sens inversé que nous avons évoqué plus haut, source de votre méconnaissance de vos contemporains.
C’est ainsi que votre révolte renforcera le système qui profitera de l’inertie générale. Dans un premier temps en tout cas. D’un autre côté, les mesures prises pour éviter que ne se reproduisent des situations comme  celle que vous avez crée renforceront la fragilité du système ; à terme elles contribueront à son écroulement en sapant son efficacité, déjà fort problématique.

Cher Monsieur Snowden, vous ne vous êtes pas rendu compte que les populations que vous avez voulu avertir du danger qui les menacent ne sont pas prêtes à entendre ce que vous avez à dire. Elles ne le sont pas car elles croient à la propagande du système. Elles croient très volontiers que le système « exagère » un peu, certes ; mais elles croient encore plus qu’elles font réellement face à un danger menaçant leur confort et leur survie, d’où leur exigence d’être protégées. C’est ainsi qu’elles sont ravies de se décharger de leur responsabilité sur le Léviathan étatique ; elles sont soulagées d’avoir abdiqué toute indépendance : que ce soit pour subvenir à leurs besoins matériels où que ce soit pour éviter de penser par elles-mêmes. Sans parler de faire face aux dangers supposés qui menacent la soit disant « civilisation » (encore une inversion sémantique, une des plus graves d’ailleurs) qui est la nôtre.

Vous avez commis deux erreurs d’appréciations :
- vous avez surestimé l'appétence de nos populations pour la liberté ;
- vous avez sous-estimé la peur qui les ronge.

C’est pourquoi elles ont abdiqué toute liberté en faveur d’une sécurité supposée.

Le Président des USA, Prix Nobel de la Paix (quelle plus belle inversion du sens des mots que celle-ci ?) l’a d’ailleurs très bien résumé :

« On ne peut pas vivre à 100 %  en sécurité sans sacrifier un peu de sa vie privée ».

Dans le cas qui nous occupe, nous avons sacrifié quasiment 100 % de notre liberté contre une sécurité aléatoire, puisque 100 % de sécurité ne peut pas s’obtenir raisonnablement. Ce qui explique d’ailleurs l’extension toujours plus grande de l’espionnage général et la perte de liberté qui l’accompagne comme son ombre. Jusqu’où cela pourra t’il aller ? Jusqu’à l’écroulement du système lui-même sous son propre poids.

La liberté est un fardeau, Monsieur Snowden. C’est un poids lourd à porter et la plupart des épaules de nos contemporains ne sont pas assez fortes pour en supporter la charge et l’exigence. La responsabilité de soi-même, qui est le fondement de toute liberté, est un masque grimaçant qui effraie désormais la plupart de nos contemporains.

Vous pensez que nous exagérons ?
Voyons cela.
Les dénonciations de Wikileaks ont-elles changées quoi que ce soit ?
Le soldat Bradley Mannings est-il libéré ? Y a t’il eu des manifestations pour sa libération par des populations en délire ? Non, bien au contraire.
Les guerres menées au nom du Bien en Afghanistan, en Irak, en Libye, et aujourd’hui en Syrie, ont-elles menées à des manifestations d’envergure pour s’y opposer ? Les mensonges incroyables que l’on nous a servi sans vergogne pour les justifier ont-ils été dénoncé et leurs auteurs ont-ils été jugés ? Y a t’il eu des manifestations de la population pour protester contre cela ? Pas que nous sachions.
Nous avons écrit plus haut que vous vous étiez trompé d’époque, Monsieur Snowden. Effectivement nous ne sommes pus à l’époque de la guerre du Vietnam qui, elle, a provoqué de fortes résistance parmi la population qui ont fini par amener le Président Nixon à se retirer du Vietnam.
Qui manifeste aujourd’hui ? Personne.

Vous avez déclaré lors de votre interview au Guardian le 9 Juin dernier :

« Je ne veux pas vivre dans une société qui fait ce genre de choses (espionnage général etc). Je ne veux pas vivre dans un monde dans lequel tout ce que je peux faire où dire est enregistré. Ce n’est pas quelque-chose que je suis disposé à supporter où à accepter. »

C’est bien là le problème, Monsieur Snowden, parce-que vous êtes un des rares qu’indispose encore le fait de devoir survivre dans un monde tel que celui-ci. Car, comme déjà dit, non seulement la majorité des populations d’aujourd’hui ne sont pas indisposée par le meilleur des mondes en devenir, mais en plus elles exigent l’avènement du panopticon généralisé.

Pour assurer leur sécurité et leur bien-être.

Car de leur liberté ils s’en moquent.

Stuart-Mill avait bien compris ce mécanisme qui provoque l’abaissement de l’homme :

"Un état qui abaisse ses citoyens afin d'en faire des instruments plus dociles entre ses mains, fut-ce dans leur intérêt, finira par s'apercevoir qu'on ne peut rien faire de grand avec de petits hommes."


C’est ce que vous n’avez pas compris, Monsieur Snowden : vous êtes trop grand pour eux.

Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

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