lundi 10 juin 2013

Edward Snowden : celui qui voulait être libre.

L’homme, jeune (29 ans), est à l’origine des « fuites » à propos de l’effroyable « architecture d’oppression » bâtie par le NSA grâce à l’espionnage systématique de tous (portrait ici). Ce système est connu sous le nom de PRISM et ne connait aucune limite dans son action, selon les propres mots de Snowden : « They are intent on making every conversation and every form of behaviour in the world known to them ». Snowden est un ancien employé de la CIA, du NSA ainsi que de firmes travaillant pour ce même NSA. Il connait donc très bien ce dont il parle et ce d’autant plus qu’il est lui-même un programmateur informatique d’un niveau élevé, une des raisons pour lesquelles il fut recruté par le NSA. Il s’est réfugié à Hong Kong après avoir transmis au Guardian ces renseignements qui font tant de bruit aujourd’hui. Snowden a accordé une interview en décidant de dévoiler son identité (ici).

« Le NSA a construit une infrastructure (d’espionnage) qui lui permet d’intercepter pratiquement tout ce qu’il veut. Grâce à cette capacité, la plus grande partie de toutes les communications humaines sont automatiquement intégrées et enregistrées dans le système sans aucune recherche spécifique. Si je veux connaitre votre email où le numéro de téléphone de votre femme, tout ce que j’ai à faire est d’utiliser les données disponibles. Je peux obtenir vos emails, mots de passe, enregistrement téléphoniques, transactions par cartes de crédit etc... »

Personne n’est à l’abri de ce programme d’espionnage qui inclut virtuellement toute la population US mais qui déborde très largement sur tous les pays étrangers où se trouvent une ambassade US et une cellule du NSA où de la CIA. En cas de besoin. A cet égard, parmi les documents révélés par Snowden, se trouve une carte du monde sur laquelle les pays sont recouverts de couleurs différentes, allant du rouge au vert foncé, indiquant le degré d’espionnage auxquels ils sont soumis. Ce qui est révélateur, c’est que les USA eux-mêmes figurent au même rang que la Chine et ... l’Allemagne (couleur jaune) après l’Inde, Égypte (couleur orange foncée) et l’Iran, le Pakistan et Israël (rouge).


Mais ces activités d’espionnage ne peuvent pas se faire sans la participation des sociétés que l’on nomme les PRISM nine et qui incluent : APPLE, GOOGLE, MICROSOFT, YAHOO, FACEBOOK, AOL, PALTALK, SKYPE, YOUTUBE. Ces sociétés US ont autorisé, semble t’il, à la NSA un accès direct à toutes les données digitales contenues sur leurs propres serveurs concernant leurs clients, à les enregistrer et à les conserver systématiquement pour une durée de temps illimitée: audio, vidéo, emails, photos, documents en attachement, ainsi que savoir où et à quoi on tel où tel s’est connecté, combien de temps a duré la connection et ce qui s’y est fait.

« Every day, collection systems at the National Security Agency intercept and store 1.7 billion e-mails, phone calls and other types of communications
(Sources : Washington Post - 19.07.2010)

Voir ici l'article du Washington Post à propos de ce système de surveillance général devenu fou et totalement hors de contrôle.

C’était il y a deux ans. Aujourd’hui le système a été largement perfectionné :

« the NSA is collecting some 100 billion 1,000-character emails per day, and 20 trillion communications of all types per year.»
(Sources - Willima Binney, ex chef du renseignement du NSA - Juin 2013)

Edward Snowden a décidé de révéler ce qu’il savait en toute conscience de ce que cela allait lui apporter comme problèmes (voir à cet égard l’histoire de Bradley Mannings), y compris la possibilité de se voir éliminer d’une manière où d’une autre, comme cela arrive souvent, notamment aux deux inspecteurs du FBI qui enquêtaient  récemment avec un peu trop de zèle sur l’attentat de Boston.

Guardian : Que pensez-vous qu’il va vous arriver désormais ?
ES : rien de bon

G : Pourquoi Hong Kong ?
ES : Je pense qu’il est vraiment tragique qu’un Américain soit obligé de se réfugier dans un endroit réputé moins libre (sous entendu que les USA). Pourtant Hong Kong a une réputation de liberté malgré la République de Chine. HK a une grande tradition de liberté d’expression.

G : Pensez-vous que vous finirez très probablement en prison ?
ES : Je n’aurais pas pu faire ce que j’ai fait sans avoir accepter le risque de terminer en prison. Vous ne pouvez pas vous opposer à l’agence de renseignement la plus puissante du monde sans accepter les risques qui lui sont liés. S’ils veulent vous avoir, avec le temps ils vous auront.


Ce pessimisme apparent, qui n’est au fond que du réalisme, quand à ce qui l’attend, est confirmé par un autre ex-membre d’une agence de renseignement (Annie Machon du MI5) passée de l’autre côté de la barrière en ayant le courage de dénoncer publiquement les agissements illégaux de l’agence à laquelle on appartient et les dangers que ces derniers font courir à ses concitoyens (interview sur RT ici). Elle aussi confirme que les raisons qui l’ont poussé à agir contre le MI5 sont les mêmes que celles qui ont provoqué l’acte de Edward Snowden.

RT: Why do you think he has done it?
AM: Well, because what the NSA is doing is turning the USA and by de-facto the rest of the world into a Big Brother surveillance state. As soon as you get into this situation where the nuts and bolts with the internet, like Google, Facebook and all, a  system that we all use can be used to spy on us whether those companies know it or not, means that we have no privacy whatsoever. And once we have no privacy on the internet we then lose any sense of freedom to express ourselves openly. We lose our freedom to download information and ingest information openly. So we lose free society. Free thought requires free media.

(Sources : RT - 9 Juin 2013)

En réalité, de nos jours, l’un des problèmes les plus graves auxquels nous ayons tous à faire face, et ce dans n’importe quel pays, c’est la course folle et nihiliste des états à toujours plus de pouvoir et de contrôle sur leurs citoyens, sous n’importe quel prétexte : mais généralement c’est pour notre bien, et plus particulièrement pour protéger « notre sécurité ». C’est d’ailleurs ce qu’à indiqué l’ex sauvenr de l’humanité, Prix Nobel de la Paix pour justifier les agissements injustifiables de la monstruosité bureaucratique nommée NSA :

« On ne peut pas avoir 100% de sécurité en ayant 100% de vie privée ».

Le problème est que lorsque l’on veut vivre à 100% en sécurité, on finit par survivre à 100% prisonnier du système chargé de nous procurer cette soit disant sécurité. C’est donc encore une fois une question de choix. Or pour faire un choix il faut encore en être capable, ce qui signifie qu’il faut avoir la liberté de pouvoir le faire. Cette liberté est également la liberté de penser librement et de pouvoir avoir accès aux informations nécessaires pour prendre telle où telle décision. C’est précisément cela qui nous est de plus en plus contestée par nos gouvernements bien aimés à travers le monde.
En fait, il n’y a plus désormais que deux types d’individus : ceux qui acceptent de se laisser dépouiller de leur liberté sans rien faire, en toute conscience où pas, et ceux qui refusent avec toutes les conséquences que cela implique.
Edward Snowden, Bradley Mannings et tous les autres font partie de ces derniers. Massie Machon pense qu’il y en aura encore beaucoup d’autres :

RT: And now, after Snowden, do you think we are going to see more?
AM: Of course. This happens time and time again. And as the powers of the state and corporative state become greater people will become more concerned about civil liberties not just within their own countries but also the implications around the world: what happens in Syria, or Libya, or the Middle East or Central Asia? People are worried about this, the implication.
So I think normal young people within the intelligence agencies are going to think: Well, actually we are doing this for good reasons not bad reasons. And they will speak out.

(Sources : RT - 9 Juin 2013)

Nous ne partageons pas son optimisme. Cela dit même si ce dernier s’avérait exact il faudrait encore que cela puisse ébranler le système suffisamment pour le mettre à bas. Nous n’y croyons pas car pour cela il faudrait un réveil beaucoup plus général. Il suffit de voir l’apathie universelle qu’à suscité le cas tragique de Bradley Mannings pour s’en convaincre. Julian Assange est un autre exemple. Et nous craignons fort que celui de Edward Snowden ne vienne confirmer l’effroyable indifférence de la grande majorité à leur situation de prisonniers du système qui est chargé de leur sécurité. Comme souvent d’ailleurs, les organisations chargées de défendre une population quelconque finissent toujours par appliquer les méthodes qu’elles utilisent contre leurs ennemis extérieurs contre leur propre population. C’est ce qui se produit aujourd’hui aux USA et ailleurs.

Edward Snowden, quand on lui a demandé pourquoi il avait fait ce qu’il a fait, et ce en dépit des risques énormes que cela impliquait pour lui, a répondu ceci :

« Je ne veux pas vivre dans une société qui fait ce genre de choses (espionnage général etc). Je ne veux pas vivre dans un monde dans lequel tout ce que je peux faire où dire est enregistré. Ce n’est pas quelque-chose que je suis disposé à supporter où à accepter. »
(Sources : The Guardian - 9 Juin 2013)

Les choses ne pourront changer que lorsqu’il deviendra insupportable à la majorité de survivre dans la prison que devient leur propre pays ; quand il leur sera insupportable de survivre dans un monde dans lequel tout ce qu’ils disent et tout ce qu’ils font est enregistré. Ce jour là, cela changera.
Pas avant.

Et vous, chers lecteurs, vous est-il insupportable de survivre dans un monde dans lequel tout ce que vous dites et tout ce que vous faites est enregistré pour être éventuellement utilisé plus tard contre vous lorsque vous serez devenus à votre insu hors la loi ?

Vous n’avez rien à vous reprocher, dîtes-vous ?
Cela n’a aucune importance car c’est ce qu’on vous reprochera à vous qui importera grâce ce qu’ils auront enregistré sur vous pendant des années : cela leur fournira les preuves à charge dont ils auront besoin pour vous condamner alors que vous n’aurez toujours rien à vous reprocher. 

Comme l'explique Edward Snowden, ce jour là il sera trop tard.

"Because even if you’re not doing anything wrong you’re being watched and recorded. And the storage capability of these systems increases every year consistently by orders of magnitude … to where it’s getting to the point where you don’t have to have done anything wrong. You simply have to eventually fall under suspicion from somebody – even by a wrong call. And then they can use this system to go back in time and scrutinize every decision you’ve ever made, every friend you’ve ever discussed something with. And attack you on that basis to sort to derive suspicion from an innocent life and paint anyone in the context of a wrongdoer."

Ne vous méprenez pas, chers lecteurs : aujourd’hui la seule différence qui compte réellement entre les habitants de Cochon sur Terre, c’est ceux qui acceptent ce système de coercition et ceux qui ne l’acceptent pas et qui s’y opposent. Tout le reste n’est que du bavardage sans importance.

Il y a un camp qui ne contient qu’une minorité d’individus. Vous savez lequel. Mais c’est celui d’où sortent les héros véritable d’aujourd’hui : les Mannings, les Snowden etc... Et puis il y a l’autre côté : ceux qui acceptent avec reconnaissance leur servitude toujours plus grande.

Et vous, de quel côté êtes-vous ?

Mais pour le moment tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.

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