Voilà, çà y est, débarrassés !
Eh, oui, chers lecteurs nous voilà enfin débarrassés de ces élections US qui devaient changer le monde et l’univers dans leur intégralité.
Comme à chaque fois.
Et nous savons tous combien les résultats sont mirobolants.
A chaque élection, dont celle de 2008 nous a donné une confirmation éclatante.
Donc, le Prix Nobel de la Paix, notre droneur international en chef, est réélu.
Nous espérons que vous avez tous fêté cet événement considérable comme il se doit : avec indifférence.
Pour notre part nous fûmes soulagés, mais rassurez-vous, très légèrement. Oui, soulagés malgré tout. Non pas que nous eussions le moindre doute sur une quelconque différence entre les deux candidats, tous deux appartenant au système et tous deux étant ses fidèles serviteurs, mais il y avait néanmoins à nos yeux une différence entre eux. Enfin pas tout à fait. A nos yeux la différence résidait dans leurs état-major respectifs. Car l’entourage de Romney était exécrable, effroyable, abominable et bla bla bla... Oui, il l’était. C’est pour cette raison que nous sommes très relativement soulagé de cette réélection de l’ex sauveur de l’humanité, car cela nous épargnera les très dangereuses et universelles médiocrités qui ont pour nom : John Bolton (qui était pressenti pour remplacer notre illustre Tata Killary Clinton « we came, we saw, he died », Rush Limbaugh, Karl Rove l’idéologue halluciné et tous les autres partisans de la guerre à tout prix contre la moitié de la planète, à commencer par l’Iran, la Russie et la Chine ; ce qui n’est déjà pas mal, vous en conviendrez pour un pays qui s’est fait mettre dehors par les Irakiens et qui va bientôt fuir l’Afghanistan après 12 ans d’échecs... Le soulagement que nous avons, c’est qu’avec beaucoup de chance nous n’entendrons probablement plus parler de tous ces néo-cons qui ont fait tant de mal aux USA et au monde, et dont le programme politique délirant a couté par deux fois déjà la victoire aux parti républicain.
Cela dit, précisons immédiatement que si nous avions eu la possibilité de voter en tant que citoyen américain, nous aurions fait la même chose que nombre de nos amis d’outre Atlantique : nous ne serions pas allé voter, et certainement pas sous le fallacieux prétexte du « lesser evil versus the worst one ». Car ce prétexte, « il faut choisir le moindre mal entre deux maux », est complètement pernicieux en ce sens qu’il nous évite de dire « non » au « mal » lui-même. En effet, si l’on choisit le « moindre mal », ce dernier reste toujours « le mal ». Donc nous nous y associons et nous l’adoptons ; c’est ainsi que ce «moindre mal» finit par devenir la nouvelle norme, acceptée par tous. Mais cet argument du « moindre mal » nous soulage, en vérité, car il nous évite de nous opposer à la majorité ; il nous autorise à ne pas prendre le risque de se retrouver seul face à la meute hurlante ; il nous permet de rester confortablement au milieu du troupeau tout en ayant gardé « bonne conscience ».
Ceux qui soutiennent une face du système contre l’autre sous prétexte que cela permet d’éviter le pire, ceux-là ne font en réalité que préserver le système lui-même et lui permettent de survivre et de se renforcer puisqu’ils lui donnent une légitimité en se soumettant aux règles imposées par le système lui-même.
Hannah Arendt a très bien résumé l’essence du problème :
(Traduction de l’Anglais par Jean Erbenger)
« ... Les non-participants, jugés irresponsables par la majorité... se sont demandés jusqu’à quel point ils auraient été capables de vivre en paix avec eux-mêmes après avoir commis certains crimes ; et ils décidèrent qu’il valait mieux ne rien faire du tout, non pas parce que cela aiderait à changer le monde en mieux, mais simplement parce que ce ne pouvait être qu’à cette condition qu’ils pouvaient continuer à vivre en paix avec eux-mêmes. Certains choisirent aussi de mourir plutôt que de participer. Pour le dire crûment, ils refusèrent de tuer, non pas parce qu’ils étaient encore imprégnés du commandement « tu ne tueras point », mais parce qu’ils ne voulaient pas vivre en compagnie d’un meurtrier : eux-mêmes. La pré condition pour ce genre de jugement n’est pas une très grande intelligence où une grande sophistication en matière de morale, mais bien plutôt une disposition à vivre en eux-mêmes et avec eux-mêmes, une disposition à la capacité d’entretenir un dialogue intérieur, c’est à dire avoir la faculté à être engagé dans cette silencieuse conversation entre moi et moi-même qui, depuis Socrate et Platon, se nomme généralement : l’exercice de la réflexion. Cette catégorie de réflexion est à la racine de toute pensée philosophique ; elle n’est pas technique et ne concerne pas les problèmes théoriques. La frontière entre ceux qui veulent exercer leur capacité de penser et par conséquent posséder la capacité de juger par eux-mêmes, et ceux qui ne le veulent pas, transcende toutes différences culturelles où sociales. A cet égard, le total effondrement moral de la société respectable sous le régime hitlérien devrait nous enseigner qu’en certaines circonstances ceux qui prônent le plus telles où telles valeurs et qui s’accrochent le plus aux normes morales et aux standards en cours, ceux-là ne sont pas fiables : car nous savons désormais que les normes morales et les standards sociaux peuvent être bouleversés en une seule nuit, et que la seule chose qui subsistera chez ces gens là sera l’habitude de se raccrocher à n’importe quel prix à quelque-chose, c’est à dire à de nouvelles normes. Beaucoup plus fiables seront les sceptiques et ceux qui doutent, non pas parce que le scepticisme est bon en lui-même où le doute est merveilleux, mais parce que ceux qui s’y adonnent ont l’habitude d’examiner les faits et les choses et de s’en faire leur propre opinion. »
Oui, nous savons bien qu’Arendt fait référence au régime nazi et à la solution finale. Mais cela ne change rien au problème et peut s’appliquer à toute sorte de régime politique ainsi qu’à toute sorte de situation ; dramatique où pas, collective où privée. Les circonstances ne changent absolument rien à l’obligation de dire « non », c’est-à-dire à l’exercice de notre capacité de non-participation, où si l’on préfère de non-adhésion.
Car ceux qui ont voté Obama, comme Romney d’ailleurs, ceux là ont adhéré aux ignobles « kill lists » du Prix Nobel de la Paix ; ceux là ont adhéré aux détentions indéfinies et sans jugements de citoyens US par l’armée où la police ; ceux-là ont adhéré à l’abolition du droit d’Habeas Corpus ; ceux-là ont adhéré au pillage de l’économie pour soutenir les banques ; ceux-là ont adhéré à la destruction de la classe moyenne et la paupérisation générale des 99% ; ceux-là ont adhéré à la destruction de la Libye et à celle en cours de la Syrie, sans parler de l’extension du chaos au Moyen-Orient et partout ailleurs ; ceux-là ont adhéré au régime de surveillance généralisé des individus aux USA qui se renforce tous les jours un peu plus etc, etc...
Le seul point de réconfort dans cette parodie de démokratie c’est que seuls moins de 50% des Américains en âge de voter ont pris la peine de le faire. Environ 90 millions d’Américains ne se sont pas rendus aux urnes.
Ont-ils exercé consciemment leur capacité de « non-participation » où était-ce simplement parce-qu’ils préféraient aller au mall pour se cultiver, rester tranquillement devant la tv parce-que c’est leur manière habituelle de passer le temps etc...
Nous vous laisserons le soin de répondre vous-mêmes à ces questions, chers lecteurs.
Mais que cela plaise où non, hier, plus de la moitié des Américains ont dit « non ».
Pendant ce temps là tout le monde est content à Cochon sur Terre, le meilleur des mondes.
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